mercredi 16 mars 2011

La "Justice"

  La justice aux justiciables

Souvenez-vous de l'affaire d'Outreau au cours de laquelle des gens honnêtes ont été souillés, emprisonnés et leur vie gâchée à jamais. Que croyez-vous qu'il soit arrivé au juge responsable de cette horreur ?… Nommé à Paris pour digérer plus facilement sa réprimande. Visiblement le mot d’ordre du camarade Staline " Les cadres décident de tout " est plus que jamais d’actualité dans l’esprit corporatiste des juges français.

La "Justice"
Dans cette optique, la fronde des magistrats grévistes (170 tribunaux ont été en grève sur 195) est compréhensible mais pas pardonnable. En se posant en victimes, pour des critiques à l’égard du dysfonctionnement du système judiciaire, ils témoignent de la déviante perception qu’ils ont de leur mission. Rappel des faits qui ont provoqué leur réaction.

En visite dans un commissariat d'Orléans, deux jours après la découverte du corps démembré de la jeune Lætitia Perrais, le chef de l'État, en tant que premier magistrat de France, a évoqué en substance l’un des principes de la justice : " Ceux qui ont couvert ou laissé faire cette faute (le suivi raté du principal suspect, multirécidiviste), seront sanctionnés, c’est la règle ".

Pour Nicolas Sarkozy " il y a eu un certain nombre de dysfonctionnements " et des décisions seront prises pour y remédier. De leur côté, Michel Mercier, le ministre de la Justice et Brice Hortefeux, le ministre de l’Intérieur, avaient pointé " une défaillance de la chaîne pénale " prônant une série de mesures, dont l’appel à des retraités de la justice pour combler le manque de personnels. On ne pouvait qu'approuver tous ces propos qui annonçaient l’ouverture d’une réforme du statut de la magistrature autre que celle uniquement basée sur des rallonges budgétaires.

Seulement voila, le Conseil Supérieur de la Magistrature qui est en charge de la gestion des carrières ainsi que de la discipline des magistrats, et qui est présidé d’ailleurs par le Président de la République, a jugé bon de réaffirmer ses prérogatives : " la mise en œuvre de la responsabilité disciplinaire des magistrats obéit à des règles précises ". Il est vrai que tout autre que le chef de l'État, ou l’un de ses ministres se serait pris outrage à magistrat pour leurs paroles de vérité. Pourtant si outrage il y en a dans cette affaire d’insubordination "magistrale" il est davantage porté contre le peuple français puisque les magistrats grévistes se sont délibérément mis dans l’illégalité et ont insulté les justiciables par leur comportement irrespectueux.

Pour autant, ils ne seront pas indéfiniment en mesure de contourner l’indispensable débat sur la justice. Un tel débat doit se situer sur le terrain de la démocratie et ne pas s’arrêter à la proclamation de façade "Au nom du peuple" ornant tous les jugements rendus. La démocratie s’exerce aussi par le peuple et pour le peuple. Ces exigences démocratiques font largement défaut à la justice actuelle qui usurpe l'onction populaire pour ne rendre compte à personne, un comportement digne plutôt des institutions des régimes soi-disant "populaires" qui avaient cours derrière le rideau de fer.

Plus grave encore, la justice se cache derrière le manque de moyens pour dissimuler le corporatisme de sa profession et ne pas regarder la réalité en face. Héritiers d'un grand nombre de privilèges, les magistrats sentent qu’ils sont en train de se déposséder de leur mainmise sur le "troisième" pouvoir. Une conséquence de l’insuffisance de leur discernement entre autorité et pouvoir et de leur perte d’influence d’antan sur l'évolution sociale des citoyens qui sortent désormais de leur rôle de patients justiciables et entrent dans le jeu de la patience démocratique.

Issue de la séparation des pouvoirs prônée dans le contrat social, la justice est la seule du triptyque institutionnel qui ne soit pas soumise à l’approbation d’un vote. Simplement nommés au départ, sans prouver par leur sagesse qu’ils méritent leurs postes, ses fonctionnaires, qui ne sont aucunement menacés par la sanction d’une élection périodique, exercent leur métier sans aucune contrainte d’ordre axiologique. De surcroît, ils héritent d'un statut qui servait autrefois la monarchie absolue et qui est, pour cette raison, frappé du sceau de l'inamovibilité. La magistrature en a développé un ego surdimensionné et un esprit de caste partagé entre "camarades" syndicalistes et "frères" maçonniques, tous avides de pouvoir.

J'illustrerai mes propos par un exemple particulier – la juge contestataire (elle a aussi signé la pétition contre la réforme de la nouvelle carte judiciaire) qui a retiré mes enfants en suite d’une délation, lors d’une de nombreuses audiences pour la prolongation du placement (7 en tout, donc assez de temps et des moyens pour que le dossier soit largement étudié), m’a annoncé que tant que je contesterai sa décision, je ne serais pas prêt à revoir mes enfants. Elle ajoutera que cela pouvait durer des années ! Or, ce n’était point la vérité qui comptait en ce moment, ni l’intérêt supérieur des enfants, ni la souffrance des parents.  Non, ce qui est mis en avant est seulement la volonté d’asseoir un jugement, tout arbitraire soit-il et peu importe qu'il soit à rebours des valeurs morales dont fait partie le juste. Mais je suppose que ces valeurs s’atrophient vite chez un individu forcement frustré par la capacité limitée de sa personnalité face à l’immense pouvoir qu’on lui a accordé.

Et comment ceci peut-il être autrement puisqu’elle n'avait pas à craindre la sanction de l’instance supérieure. Malgré des dizaines des vices de forme et de procédure établies par mon avocat et moi-même, le juge de la cour d’appel, fidèle à sa caste, n’a pas voulu que le dossier soit réexaminé sur le fond et a même menacé l’avocat de le faire sortir de la salle s’il persistait dans cette direction ! La cour de cassation, à son tour, a refusé de s’engager au motif qu’il n’existerait "aucun moyen sérieux" de cassation susceptible d’être soulevé contre la décision du juge d’appel qui pourtant, pour défendre la sentence arbitraire de sa "consœur", a soigneusement écarté du dossier toutes les preuves en faveur de ma famille.

Mais revenons-en au mobile d'action du corps des magistrats. Le président de la République a mis en cause la façon dont les juges ont traité le dossier d'un multirécidiviste qu’ils ont laissé en liberté non surveillée. Ce criminel a sauvagement assassiné une jeune fille et lorsque que les lacunes du système ont été pointées du doigt, ils se sont sentis outrés pour avoir été mis en cause. En conséquence, ils ont décidé de faire grève en signe de protestation car ils estiment qu’ils n’ont pas de compte à rendre à qui que ce soit.

Cependant même si on peut, pour la forme, leur donner raison - leur ministre de tutelle a déjà exclu des sanctions contre les magistrats, car le rapport interne qu'on lui a remis mentionne des "carences manifestes" mais pas de faute grave - face à leur responsabilité morale individuelle, tout comme dans l'affaire d'Outreau, pas un seul ne songe à faire "mea culpa" ou au moins à se remettre en question. Ils se considèrent comme gardiens irréprochables du dogme d’infaillibilité de l'État (un État bien aliénant dans son abstraction) avec lequel ils s’identifient.

Ceux qui prescrivent les lois doivent être les premiers à les respecter. Rappelons au passage que les magistrats sont privés du droit de grève. Par leur grève illégale ils démontrent clairement que leur pouvoir démesuré ne peut qu’être néfaste quand on a affaire à des hommes et des femmes qui se perçoivent au-dessus du commun des mortels, qui se croient chargés d'une tâche suprême et qui confondent "rendre la justice" avec "faire la loi". Le fait d'être les redresseurs de tous les conflits publics et privés, des problèmes d'ordre ou des dysfonctionnements administratifs, a apparemment suscité chez les magistrats le sentiment illusoire qu'ils seraient l’instrument transcendantal (condition a priori de possibilité), donc fondamental, de la paix sociale.

Toutefois, n’en déplaise à leurs syndicats qui aspirent à transformer l’autocratie de leurs membres en domination politique, il faut que le système change pour stopper la dérive absolutiste de la justice et préserver la souveraineté du justiciable. La justice est un service public donc au service des citoyens et non l'inverse. Il faut contrôler les juges par la voie des urnes et par l’intégration des jurés populaires là où la conscience s’avérait indispensable comme garde-fou du "professionnalisme". Personne ne doit s’approprier le droit de parler au nom du peuple sans être élu ou sans être surveillé par ses élus.

Le soi-disant manque d’effectifs et de moyens n’est qu’un prétexte et un argument fallacieux pour excuser le mouvement des magistrats car la réduction de leurs effectifs n’est qu’un mythe - 60 102 agents en 1997 et 73 594 agents en 2010 ; budget 2011 : 7,128 milliards €, en hausse de 51% par rapport de 1997 (l’année du gouvernement Jospin). Pourtant, par la voix du président de leur syndicat majoritaire, l’USM, ils réclament 3 milliards d’euros sur 5 ans (à peu près 10% d’augmentation par an de leur budget), aux frais des contribuables, ça va de soi ! Mais même dans l’hypothèse téméraire qu'ils auraient raison de se plaindre de leur salaire et des moyens mis à leur disposition, cela ne les autorise pas à bâcler les dossiers, libre à eux de chercher un autre métier plus proche de leurs attentes pécuniaires.

Entre parenthèses, au moment où les magistrats font grève et les agents de probation de Loire-Atlantique nient toute erreur car c'est  comme toujours par manque allégué d'effectifs que le suivi de Tony Meilhon, le meurtrier présumé, avait été abandonné, une enquête révèle qu'il y a 32 % d'absentéisme parmi les personnels de probation. Or, ils évoquent les moyens là où il faudrait rappeler la conscience professionnelle et la conscience tout court.

Protégé par le bouclier de leur corporatisme, les fonctionnaires de la justice sont devenus trop orgueilleux de leur personne. Ils ne se remettent jamais en cause car, selon eux, ils ne commettent jamais d'erreur. Apparemment cette stratégie de défense basée sur la méthode Coué leur réussit bien car il n’y a pas de juge suicidé sous la pression de ses remords, par contre il y a des milliers de gens poussés au suicide par leurs décisions. Selon le journal Ouest-France, on compte aujourd’hui près de 2000 suicide par an de pères séparés de leurs enfants !  
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Le 7 février dernier, le Premier ministre François Fillon a dénoncé la réaction "excessive" des magistrats grévistes. En soutien de son intervention, Brigitte Barèges, députée-maire de Montauban, a lancé le  jour même un appel aux magistrats, cosigné par des députés UMP membres du groupe "collectif de la droite populaire". Tous condamnent le caractère syndicalo-politique gauchiste de la grève du milieu juridique qui se déclare en effet au dessus de la loi en refusant la critique et l'éventuelle sanction s'il y a des fautes avérées. * 
 
Trois jours plus tard, le 10 février, aux magistrats rassemblés  devant le palais de justice de Nantes, le père d'accueil de la fille assassinée, a jeté que " Vous vous servez du drame que nous vivons pour votre manifestation. " Ensuite, devant la presse, il a poursuivi " Il y a peut-être un manque de moyens, mais ce n'est pas mon problème. En même temps, l'ex beau-frère de Tony, interrogé par Europe1 a expliqué que " La justice a été prévenue des dizaines de fois qu'il allait tuer quelqu'un un jour (…) ce qu'il s'est passé aurait pu être évité ". Puis, quand le journaliste lui demande son sentiment sur la manifestation des magistrats, il a répondu : " Elle est typiquement corporatiste, c'est-à-dire on s'attaque à nous, on se protège et on dit qu'on n'est pas content. " !

Boris Tanusheff
* " La semaine écoulée a vu naître une nouvelle catégorie de citoyens : les magistrats intouchables. Les syndicats de magistrats ont décrété que désormais la profession devait échapper à toute forme de critique ou remarque, jugeant ainsi que les propos du président de la République faisant état de "graves dysfonctionnements" de l’appareil judiciaire au sujet de l’affaire de la jeune fille de Pornic, étaient une grave atteinte à ce nouveau principe auto-érigé en dogme. Pourtant, on a beau regarder, on a du mal à voir ce qu’il y a de choquant dans ces propos. Ce qu’il y a en revanche de choquant, c’est la réaction outrancière de quelques syndicats de magistrats dont l’engagement politique à gauche n’est par ailleurs un secret pour personne. L’affaire de Pornic a mis en lumière de façon très crue un certain nombre de défaillances qui ont conduit à ce qu’une personne connue comme dangereuse, qui fait l’objet de 15 condamnations et qui a entre autres violé un codétenu, s’est retrouvée dans la nature et est aujourd’hui soupçonnée d’avoir tué et découpé en morceaux une jeune fille. Si les syndicats de magistrats trouvent déplacé de vouloir faire la lumière sur cette affaire sur le plan du fonctionnement des institutions, alors il y a tout lieu de s’inquiéter quant au fonctionnement de l’appareil judiciaire. Il est aussi curieux que ceux qui sont supposés faire respecter la loi ne se soient pas gênés pour porter gravement atteinte aux institutions de notre pays en insultant publiquement le président de la République, l’affublant des termes de "démagogie et populisme". Ces syndicats demandent du respect. Qu’ils commencent par respecter eux-mêmes l’institution qu’ils servent et le devoir de réserve qui s’applique aux magistrats autant qu’aux fonctionnaires. En se comportant ainsi, c’est à l’image de l’institution judiciaire que les syndicats de magistrats portent atteinte. Si les français n’acceptent pas et ne comprennent pas comment les affaires comme celle de Lætitia à Pornic ou "la joggeuse" à Marcq en Baroeul se multiplient depuis quelques temps, ils comprennent encore moins au nom de quel principe les magistrats pourraient échapper à toute forme de responsabilité alors qu’ils sont chargés de protéger la société. " 
Brigitte Barèges, cosigné par Jean-Claude Bouchet, Franck Gilard, Sauveur Gandolfi-Scheit, Patrick Labaune, Daniel Mach, Richard Mallié, Michel Terrot, et Christian Vanneste, membres de la droite populaire
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P.S. Comme significative, je vous propose et la réaction d'un lecteur du Nouvel Obs qui, en commentant l'un de ses articles sur la grève des juges, qualifie la justice comme une "zone de non-droit" :
" Il est un pays - la France - où existent des êtres parfaits, qui ne commettent jamais d'erreur et dont les décisions, frappées du sceau du divin, ne peuvent souffrir d'aucune remise en question. Ces êtres surhumains sont les magistrats, dotés d'un discernement sans limites et nimbés d'une sérénité marmoréenne ; ils se caractérisent par le fait d'avoir toujours raison et de ne tolérer aucune critique. Un juge ne peut pas avoir tort : c'est la vérité qui se trompe. Les magistrats constituent en effet la seule profession incontrôlable de ce pays. Les enseignants ont des inspecteurs pédagogiques pour les recadrer, les policiers ont l'Inspection Générale des Services pour les sanctionner ; même les très corporatistes médecins doivent parfois se justifier devant leurs pairs du Conseil de l'Ordre. Personne ne juge jamais... les juges. Ils vivent et travaillent dans l'impunité la plus totale : nul ne peut leur reprocher un manquement ou une erreur. Ils évoluent, protégés de tout et de tous, dans une zone de non-droit. Dans une zone de LEURS droits. A l'instar de Stallone dans le film fascisant "Judge Dredd", ils SONT la loi. Là où le pouvoir exécutif (le président) et le pouvoir législatif (les députés) se remettent en question à chaque élection devant les citoyens ; le pouvoir judiciaire, non-élu, se dispense de l'assentiment du peuple. Nous (le peuple) avons une arme contre les politiques médiocres ou corrompus : cette arme c'est le bulletin de vote, qui vaut lettre de licenciement. Par contre, nous sommes totalement impuissants et démunis face au pouvoir des juges. Un vulgaire concours ou examen ne saurait se substituer à la volonté populaire. Nonobstant, un élu voit son mandat soumis à cette volonté populaire à chaque élection ; tandis qu'un magistrat, même incompétent ou corrompu, mais reçu à son concours, possède sa charge à vie : il est inamovible, [l'article 64 de la Constitution] tel un dictateur et intouchable, tel un dieu. Son pouvoir sur nos vies est donc ABSOLU. Absolu, au sens premier du terme : c'est à dire illimité et délié des lois. Ainsi, le juge de la sinistre affaire d'Outreau n'a jamais reçu la moindre sanction pour les erreurs de son instruction ; erreurs qui ont conduit des innocents en prison, qui ont brisé des vies et des familles, qui ont poussé enfin une personne au suicide. Aujourd'hui, ce juge, adoubé et innocenté par ses collègues, officie toujours. Quelle corporation, quelle caste, quelle aristocratie a jamais bénéficié d'autant de privilèges exorbitants que les magistrats ? "
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"typiquement corporatiste"

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